Peut-on penser sans les mots ?
Introduction Cartésienne
Il y a un tradition Cartesienne d'utiliser le langage comme preuve de la
distinction entre l'homme et l'animal. Et cette preuve a des consequences
qui menent loin. Descartes affirme que les animaux n'ont pas de langage,
par suite ils n'ont pas de pensee détachée de leur corps
(détachée d'une réaction immédiate de leur
corps), par suite ils n'ont pas d'ames, et avec leur corps qui disparait
en poussière après leur "vie" c'est eux, leur être
tout entier qui disparait, alors que l'homme avec cette pensée qui
n'est pas attachée a son corps, qui est également spiritualité,
dont on voit la trace dans les paroles -paroles et pensees etant intimement
liées pour Descartes, presque identifiées l'une à
l'autre-, peut croire à l'existence de son ame, ame eternelle puisque
elle existe sans le corps. Avec Descartes, trois choses importantes nous
font pénétrer dans la reflexion sur les rapports entre pensée
et langage :
-
la définition du langage (les animaux en sont-ils exclus ?, qu'est-ce
que le langage ?)
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l'identification entre pensée et parole (peut-on penser sans les
mots ?)
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l'importance pour l'être (Descartes parle d'ame) de la pensée
(car en plus de l'extra-corporalité du langage, son infinie combinatoire,
son ouverture, son pouvoir de créativité est le garant de
notre liberté)
De la définition du langage
Sur la définition du concept langage en tant qu'outil de communication
inter-individuel, je signalerais seulement quelques petites choses concernant
les bébé, les animaux et les ordinateurs :
-
l'ontogénèse (le developpement de l'individu) pourrait nous
servir pour savoir ce qu'est le langage puisqu'il nait avec chacun de nous.
Mais voila, ce n'est pas si facile : a partir de quand un enfant parle,
a partir de quand communique-t-il, a partir de quand comprend-il le langage
? a partir de quand pense-t-il ? Y a-t-il une, deux, trois, quatre dates
distinctes ? Ce qui est sur, tous les parents l'auront observe, il y a
communication avant elocution, est-ce pour autant une réponse a
notre question ? non, je ne crois pas, ou ce n'est pas celle qui nous interresse.
Et ce n'est peut-etre pas une reponse parce que, qu'il n'y ait pas d'elocution
ne signifie pas qu'il n'y ait pas acquisition deja d'une partie du langage
humain. (a l'inverse, l'enfant a des jambes avant de savoir marcher)
-
l'éthologie moderne (K.Lorenz, K von Frish, ...) a montré
que les comportements/exteriorisations animales étaint loin d'ëtre
sans contenu, qu'ils permettaient une certaine forme de commnication, cependant
il n'a pas encore été trouvé de système de
communication animale (animaux hommes et femmes exceptés) qui aient
atteind la complexité du langage humain. Pour mémoire, il
y a eu quelques expériences assez réussies mais limitées
pour "apprendre" à des singes le langage gestuel des sourd-muets,
limitées : de la naissance à 7 ans les singes progressaient
pour atteindre le niveau de dévellopement du discours d'un enfant
de 3-4 ans puis semblaient avoir atteind une limite. Pour mémoire
encore, meme les insectes ont pafois une forme de langage, ainsi la danse
des abeilles pour decrire l'endroit ou se trouve le miel (...) outre l'aspect
utilitariste de ce langage, l'absence de véritable echange avec
ces congenères (il n'y a pas de discours réciproque), ce
langage est fortement limité, et ne parviens pas -par exemple- a
decrire un pot de miel situe en altitude au dessus de la ruche.
-
dirait-on d'un ordinateur qu'il "parle" parce qu'il connait la syntaxe
et la grammaire ? Un prix "le Loebner Prize" est attibué chaque
année lors d'une competition où des ordinateurs et des hommes-pieges
sont invités à discourir par écran texte interposé
avec un jury cherchant à discerner qui sont les ordinateurs. Jusqu'à
aujourd'hui (1997 en tout cas, je crois) aucun ordinateur n'a reussi a
se faire passer pour humain, alors que certains hommes ont été
pris pour des ordnateurs. Si un jour, un ordinateur arrivait a mystifie
le jury, cela signifierait-il que cette ordinateur a produit l'equivalent
d'un systeme de pensée, cela signifierait-il qu'il pense ? La question
semble miroir de celle qui nous occupe.
Pour éviter d'ergoter sur la nature du langage, éviter de
dire que tout est significatif, tout est mot, tout est langage, (ce qui
est un autre débat), les philosophes souvent conviennent que le
langage humain est spécifique, pour telle ou telle raison. Pour
la question qui nous interresse, nous pourront adopter ce point de vue,
et considerer le langage adulte conscient humain, c'est a dire celui
que nous connaissons intimement.
Sur l'adéquation pensée-parole
-
Pour Merleau-Ponty, l'adequation est complete: la pensee est inseparable
de son expression, elle ne preexiste pas a un langage qui en serait la
simple traduction : "Exprimer pour un sujet parlant, c'est prendre conscience;
il n'exprime pas seulement pour les autres, il exprime pour savoir lui-même
ce qu'il vise." Ce qu'il y a d'interressant dans la position de Merleau-Ponty,
c'est qu'elle vient d'un partisant de la phenomenologie de Husserl, c'est
a dire, d'une philosophie centree sur l'analyse de l'experience proprement
humaine du monde, une philosophie qui s'attache plus a decrire qu'a comprendre
ou expliquer. Aussi, on peut penser que Merleau-Ponty ressent ce qu'il
dit avec force, que c'est sa conviction, issue de son experience. Si Merleau-Ponty
est honnete, et on peut le croire, il ne pense qu'a travers le langage,
en dehors, soit il ne ressent rien, soit il qualifie cela autrement que
de pensee. Malheureusement, je ne sais pas si Merleau-Ponty dit qu'il y
a quelque chose au dela du langage. C'est a chacun d'en faire l'experience.
Mais deja l'aveux de Merleau-Ponty evoque-t-il quelque chose en nous ?
Et que penser de cet autre aveux : " On brise le langage quand on en fait
un moyen ou un code pour la pensée, et l'on s'interdit de comprendrea
quelle profondeur les mots vont en nous, qu'il y ait un besoin de parler,
une necessite de se parler des qu'on pense, que les mots aient pouvoir
de susciter des pensees, qu'ils mettent des reponses sur levres dont nous
ne nous savions pas capable, qu'ils nous apprennent notre propre pensee."
Est-ce l'expression d'une adoration sans limite pour le langage, adoration
qui se trompe sur le lien entrenu avec la pensee, ou est-ce la reponse
a notre question ? Merleau-Ponty est troublant, son experience trouve des
echos en nous, mais les conclusions qu'il en tire sont-elles celles que
l'on voudrait faire ?
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Pour revenir a des choses plus simple, revenons a J.J. Rousseau, et aux
poetes. J.J. Rousseau explique l'apparition du langage avec la phylogenese
humaine (origine des especes). Il parle de langue de poetes : "Comme les
premiers motifs qui firent parler l'homme furent des passions, ses premieres
expressions furent des tropes. Le langage figuré fut le premier
à naitre, le sens propre fut trouve le dernier. On n'appela les
choses de leur vrai nom que quand on les vit sous leur véritable
forme. D'abord on ne parla qu'en poesie; on ne s'avisa de raizonner que
longtemps après." La vérité historique a peut-etre
échapper à Rousseau, peut-etre pas, c qui ne lui a pas echappe
c'est que la langue des poetes (les "vrais") est une langue a part,
ou la pensee/ le sens est parfois difficile a atteindre. C'est peut-etre
justement dans cet interstice que le poete a su trouve le moyen d'exprimer
sa pensee, entre les mots. Entres ses propres mots, la ou le langage ne
va pas, entre ces mots qu'il nous propose. Mais si la pensee est dans cet
intervalle non ecrit, peut-on assurer qu'il y aura communication. Est-ce
le risque d'une pensee qui se libere des mots ? qu'elle en devienne incommunicable
? Assurement il arrive que l'intuition du lecteur ne retrouve pas l'intention
de l'ecrivain, mais le contraire est-il aussi possible ? Faudra-t-il alors
parler de communication de pensee, communication non-verbale, cela s'entend,
mais pas pour autant silencieuse, rappelons que cette pensee non ecrite
se trouve a l'interieur d'un discours, et la critique aura beau jeu de
dire que ce qui est dit dans un discour n'est pas seulement la somme de
ce que dit chaque mot, que l'intervalle entre les mots appartient aussi
au langage ... (mais alors, trouverait-on la un consensus, dans cette choses
non-ecrite qui appartient au langage sans etre presente, chacun restant
sur sa position, chacun s'accordant sur les faits, peut-importe le nom
qu'on leur donne, ou l'explication/la theorie que l'on cherche a promouvoir
(et on retrouve la des preoccupation de la philosophie phenomenologique))
-
Enfin, on notera l'avis de Hegel, qui retrouve un peu celle Merleau-Ponty
mais conduit a une conclusion qui semble oppose. Hegel observe comme Merleau-Ponty
que nous somme spectateur de notre propre discours, mais pour Hegel ce
que nous disons nous echappe, echappe a notre pensee, car nous somme incapable
de penser ce que nous disons. "Ce que nous disons c'est ceci, c'est a dire
le ceci universel, nous ne nous representons pas assurement le ceci universe
ou l'etre en general, mais nous prononcons l'universel. En d'autre terme,
nous ne parlons absolument pas de la meme facon que nous visons dans cette
certitude sensible. Mais comme nous le voyons, c'est le langage qui est
le plus vrai : en lui nous allons jusqu'a refuter immediatement notre avis."
C'est dans ce dernier mouvement que l'on peut voir une pensee sans langage,
dans l'action de refutation de ce discours qui ne correspond pas a notre
pensee. Mais est-on sur que cette refutation s'opere sans langage ? Et
puis, pour qu'il y ait refutation, faut-il que la pensee soit independante
du langage ? Toute fois, le langage de Hegel a atteint son autonomie, reste
a la pensee a atteindre la sienne, par opposition au langage par exemple.
Importance ontologique de la pensee et du langage
Pour conclure, retrouvons l'approche phenomenologique avec son geniteur
Husserl. Selon lui, et en ce sens il retrouve Hegel, il y a une idealite
du mot. C'est clair : les mots ne nous appartiennent pas ... Est-ce
que cela signifie que notre pensee, a supposer qu'elle s'identifie aux
mots, ne nous appartient pas ? Si cela etait, la rapprochement avec la
pensee de Descartes formerait un contraste puissant, Descarte faisait du
langage la preuve de notre être. Par ailleurs, ce langage qui nous
echappe peu nous laisser avec quelques inquietudes : sommes-nous limités
dans nos pensées par les mots qui sont les notres ? ou seront nous
incapable d'exprimer certaines de nos pensées à cause des
limitations de notre langues ? c'est une autre forme d'interrogation portant
sur le meme dilemme. L'experience peut ici, comme ailleur nous aider a
repondre, non ?
Voies transversalles / alternatives
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quels rapports entretenons nous entre notre pensee et le langage sous ses
differentes formes non-verbales, verbales, ecrites, ... (se rappeller du
second aveu de Merleau-Ponty sur la fécondité du langage,
aveu qui peut etre oppose a une vision castratrice du langage, qui apparait
quand on prend un crayon, du papier et que nos pensees disparaissent avant
d'etre deposees)
-
que disent les Psy. sur la dualite pensee-langage ? Et Lacan en particulier
qui s'est beaucoup interresse au langage. (citation a tort : "l'inconscient
est structuré comme un langage") Par exemple, que dire des lapsus,
des forclusions, des oublis ...
-
autre voies inspirée par la psychanalyse, y a-t-il une pensee non
consciente, inconsciente, et se pratique-t-elle avec un langage ?
Discussion
Ces idées ont donné lieu à une discussion
sur irc.
page ecrite par Denis
en Septembre 1998